Les attaques de Paris et l’unité des destins au sein du Bassin méditerranéen Par: Mohamed El-Shinqiti Traduit de l’Arabe par: Mohamed-Lamine Labbani - مقال كلاود
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Les attaques de Paris et l’unité des destins au sein du Bassin méditerranéen Par: Mohamed El-Shinqiti Traduit de l’Arabe par: Mohamed-Lamine Labbani

  نشر في 27 ديسمبر 2015  وآخر تعديل بتاريخ 30 شتنبر 2022 .

Dans son livre “ La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II”, l’éminent historien français Fernand BRAUDEL (1902-1985) argumente que les sociétés établies sur les rives de la Méditerranée, au nord, à l’est comme au sud, appartenaient, dans leur profondeur, à la même civilisation, et ce combien même elles venaient d’univers religieux, ethniques et politiques différents.

En tenant compte de la logique que veut la géographie politique, on pourrait élargir la thèse de BRAUDEL en affirmant que l'univers méditerranéen constitue également un seul espace politico-stratégique.

Dès le départ, le printemps arabe est né en tant que phénomène méditerranéen. En effet, quatre des pays à l’origine de ce printemps sont situés sur les rives de la méditerranée: la Tunisie, la Libye, l’Égypte et la Syrie. Idem pour le Maroc qui a été concerné par le même phénomène au début, mais qui a pu contenir le danger d’une révolution en anticipant la prise de dispositions de réforme préventive. La seule exception à ce phénomène méditerranéen est le Yémen connu -parmi les pays de la presqu'île d’Arabie - par l’interaction de son peuple avec ce qui se passe en Égypte.

Toutefois, l’élite politique européenne ne s’est pas comportée conformément à cette équation géostratégique durant les dernières années. Elle n’a pas eu à l’égard de ce printemps arabe une attitude humanitaire compréhensive qui soutient l’aspiration des peuples arabes à la liberté et la dignité, ni une logique politique et stratégique sage consciente de l’unité de l’espace méditerranéen et qui œuvre à prévenir l’incendie ayant pris feu chez les voisins.

Au contraire, cette élite européenne, a développé vis à vis de ce printemps arabe - à l’instar des États unis, de la Russie et de l’Iran- une approche empreinte de logique colonialiste détestable s’efforçant à maintenir les peuples arabes asservis quelque soit le prix. La mentalité qui était à l’œuvre chez cette élite est celle d’un colonialisme politique qui a pris le pas sur l’ancien colonialisme militaire dans la région. Les ex-colonisateurs ont trouvé que le meilleur moyen de préserver leurs anciens héritages est de garder ces peuples arabes sous le joug de dictateurs qui les humilient, mais qui sont eux mêmes aliénés devant les puissances étrangères.

Les attaques sanglantes de Paris sont justement venues rappeler aux voisins de la rive nord de la Méditerranée deux éléments d’une importance capitale. Premièrement: l’ère où l’on séparait les deux rives, nord et sud de cet espace, est complètement révolue, et leurs peuples respectifs sont désormais condamnés à avoir la même destinée: soit vivre ensemble dignement et librement, soit couler en même temps sous un fleuve de sang. Deuxièmement, le temps du colonialisme politique est aussi terminé et les politiques occidentales qui préservaient les tyrans et étouffaient les révolutions des peuples étaient des politiques vaines. Avant les attaques, les différentes vagues de réfugiés suffisaient pour rappeler aux européens ces deux vérités, mais apparemment ces derniers ont plutôt été influencés par la l’approche américano-israélienne et n’ont pu élaborer leur propre vision des événements historiques se déroulant à la rive sud.

La logique américano-israélienne est fondée sur le fait que la région arabe contient un excès de population, de religiosité et de richesses qu’il faut avoir à l’usure avant que ces surplus ne se transforment en une énergie positive et constructive capable de faire sortir cette zone de l’aliénation et l’emmener vers une véritable indépendance politique et un décollage civilisationnel. Et la meilleure façon d’appliquer cette logique macabre est la transformation des richesses des peuples en un bain de sang où personne ne serait gagnant.

Les européens ont oublié qu’ils appartenaient à cet espace méditerranéen évoqué par l'historien BRAUDEL et que leur destin, par la force de la géographie, leur impose de suivre des politiques plus sages et visionnaires que celles prônées par les américains qui vivent loin de la région, entre deux océans. Pour autant, si on examine le comportement politique européen en général, et le français en particulier, après les attaques sanglantes de Paris, on reste très peu optimiste.

En effet, le discours de François HOLLANDE après ces attaques est pratiquement une traduction française de celui de Georges W. BUSH après les attentats du 11 septembre 2011. HOLLANDE a affirmé que DAESH a ciblé la FRANCE parce que c’est “un état libre”. Il a dit : “ Ils ne nous ont pas attaqués à cause de ce qu’on a fait mais à cause de ce que nous sommes”. Et ce ci est une traduction littérale de la même et superficielle parole relatée par BUSH peu après le 11 septembre. Les excès du discours de HOLLANDE et la démonstration de force aérienne française rappellent aussi ce que disait RUMSFELD après le 11 septembre “ il faut éduquer le monde à cause de ces attaques”. Aussi, les leaders européens n’ont pas fait montre d’un meilleur raisonnement stratégique ni d’une meilleure sagesse politique comparés à leurs semblables américains.

Il apparaît ainsi que les élites politiques européennes n’ont pas beaucoup appris durant les 14 dernières années qui séparent 2001 de 2015, et ce malgré que l’héritage colonial et la proximité géographique qualifient l'Europe plus que les États-Unis à mieux connaître la région arabe et s’affranchir de ruminer les mêmes explications superficielles empreintes de simplisme et malhonnêteté. L’Europe comme les États-Unis ne souffrent donc pas d’un manque de savoir “innocent” concernant les racines des attaques de Paris et celles de l’Organisation de Daesh, mais plutôt d’une ignorance délibérée de ces phénomènes issue du fait qu’elles s’accrochent aux politiques de colonisation politique en vigueur depuis la fin de la colonisation militaire de la région arabe.

La Turquie appelait sans cesse les européens et les américains à mettre un terme au carnage syrien ne serait-ce qu’avec un simple geste symbolique comme la proclamation d’une zone sécurisée faisant 90 km sur 50 km, ou l’approvisionnement des rebelles syriens avec quelques missiles anti-aériens afin de dissuader le tyran de Damas et ses bombes explosives qui exterminent des dizaines d'innocents chaque jour.

Au lieu de traiter positivement avec cet État musulman fort - dont l’Occident s’est servi comme barrage imperméable contre l’invasion communiste durant plus d’un demi siècle, les Occidentaux ont trahi la Turquie et l’ont laissée sans protection devant la guerre sans merci, livrée aux confins sud de ses frontières, et les abus de l’Iran et de la Russie là-bas.

Les européens ont aussi oublié qu’ils ont avec les peuples de la région une longue histoire de colonisation politique et militaire dont les blessures ne vont pas guérir facilement, et la mémoire ne s'effacera pas du jour au lendemain. Les psychologues disent que la mémoire de la victime est plus puissante que celle de son bourreau. La victime s’attelle à s’affranchir de l’injustice subie et retrouver la considération humaine qu’elle mérite, alors que le bourreau cherche à laver sa conscience morte de son obscur passé pour se permettre de commettre, de nouveau, des crimes et de l’injustice.

Visiblement, les français ont oublié le processus qu’a suivi, à l’époque, leur gouvernement pour enterrer la démocratie naissante en Algérie dans les années 1990 et la transformer en un carnage ouvert. Le même procédé a été utilisé aujourd'hui par les États-Unis et l’Europe envers les pays du printemps arabe: il n’a échappé à personne la compromission américaine avec Al-Sissi et son coup d’état qui a mis fin aux rêves de la jeunesse égyptienne et assassiné, en plein jour, des milliers de personnes et jeté de dizaines de milliers d’autres dans les prisons.

Tout ceci est une triste émulation de la France et sa compromission avec le coup d’état sanglant en Algérie il y a deux décennies, et la connivence avec les généraux de l’époque, généraux qu’elle a façonnés à sa manière et nourris de sa sève. Un coup d’état qui s’est soldé par une guerre civile qui a duré dix longues années avec la mort de presque ¼ de million d’algériens, comme si le sang versé par les 1 million et ½ pour l’indépendance algérienne de la France ne suffisait pas pour assouvir la soif de cette dernière pour le sang arabo-musulman.

Toutefois, cette “expertise” française en Algérie n’est plus valable pour les révolutions du printemps arabe, et l’année 1988 n’est pas 2010 sauf dans les esprits simplistes qui ont pris l’habitude d’asservir les peuples et contrôler leur destin de loin, sans comprendre que l’Histoire est en continuel mouvement.

Il y a plus d’un demi-siècle, l’orientaliste français Maxime RODINSON écrivit: “l’Occident n’a vu dans l’Orient musulman que ce qu’il en souhaiter voir”. On pourrait -en le paraphrasant- dire que l’Occident ne veut entendre de l’Orient musulman que ce qu’il en souhaite entendre. En effet, cet Occident ne souhaite entendre que la condamnation de ceux qui l’attaquent sans pour autant qu’il ne soit conscient que ses politiques agressives, son soutien franc ou discret aux tyrans et assassins, sa connivence avec la répression des peuples arabes, la confiscation de leur liberté et l’annihilation de leurs aspirations légitimes à la dignité sont les véritables causes de ce qu’il a subi ou subira peut être encore comme attaques.

Chaque texte a le propre contexte qui explicite son sens et chaque action a un mobile qui permet de mieux la saisir. Et pourtant, les élites occidentales refusent toute discussion qui tiendrait compte des contextes et expliquerait les mobiles car ceci dévoilerait son hypocrisie et sa compromission avec l’injustice et la tyrannie que subissent les peuples arabes. L’attitude sage envers les conséquences des attaques sanglantes de Paris et qui permettrait l’éviction d’autres catastrophes de même nature nécessite une réflexion profonde quant au contexte, le sens et le mobile qui dépasserait ceux des attaques elle mêmes pour s’intéresser au phénomène de Daesh, sa naissance et sa propagation et pourquoi attire-t-il des milliers de jeunes musulmans y compris des citoyens occidentaux. Ceci en prenant toujours en considération l’unité de l’espace méditerranéen dans le présent comme dans le futur.

Aussi, il est clair que le mobile qui était derrière ces attaques, comme celle du 11 septembre, est le sentiment d’injustice et le désir de s'en affranchir. Dans la continuité de la même analyse, désormais, le fait de fuir le destin commun dicté par la géographie et l’Histoire, et qui lie le sort de l’Europe avec celui de la Turquie et du monde arabe ne va pas trop servir les européens.

Quant à l’Organisation de Daesh, elle n’est pas un fruit des révolutions arabes comme veut le faire entendre les tyrans de la région, mais plutôt une conséquence de la contre-révolution conduite par des régimes arabes stupides sous une couverture politique occidentale. Les révolutions arabes ont dévoilé au monde une formidable jeunesse qui a surpris tout un chacun par son pacifisme, son idéalisme et le sens civique très développé, aussi bien à l’avenue Bourguiba de Tunis qu’à la Place Tahrir du Caire, ou encore à Sanaa ou Damas. La Contre-révolution est venue après pour exterminer les rêves de cette jeunesse et les ensevelir sous un fleuve de sang. Daesh est, en effet, un amer fruit de la barbarie de la contre-révolution, de la connivence de l’argent arabe, de l’hypocrisie occidentale et de l’arrogance iranienne et russe.

Les gouvernements occidentaux se sont comportés avec Daesh avec un total opportunisme en le considérant comme un phénomène local qui les aiderait à affaiblir les révolutions arabes et ternir leur image. Daesh est devenu, en effet dernièrement, une organisation transnationale faisant ainsi payer à l’opportunisme occidental un prix fort.

Bruce HOFFMAN, expert dans les affaires du terrorisme à l’institution américaine “RAND” évoquait dans le New-York Times du 14/11/2015 l’opportunisme occidental dans le traitement avec le phénomène de Daesh en disant que le fait de parier sur le caractère local de Daesh - contenu à l’intérieur des frontières irako-syrienne- faisait partie de cette pensée “désirée ou utilitariste” (wishful thinking) de l'Occident.

L’expression “wishful thinking” utilisée par HOFFMAN a une signification profonde car elle prouve que l’élite américaine et européenne a été sous l’emprise de ce “désir utilitariste” de voir Daesh continuer de faire partie d’un intense conflit interne qui use les peuples arabes et leurs richesses et attente à leur aspiration de s’affranchir de la dictature et la colonisation politiques sans qu'elle ne subisse, car se croyant loin, d'impact négatif. Le sang qui a coulé et les débris humains qui se sont éparpillés au sein de Paris, capitale des lumières, lui a provoqué un brutal réveil de ce leurre.

« Ton ami est celui qui est sincère avec toi non celui qui te croit » disait le proverbe arabe. Les peuples arabes ne cessent d’interpeller les européens en leur lançant : « arrêter le carnage que subit les innocents sur les deux rives de la Méditerranée, qu’ils soient à Alep et Rakaa, ou à Paris et Bruxelles ». A l’inverse les tyrans arabes, qui sont loin d’être « l’ami sincère » évoqué par le proverbe, ne font que pleurnicher avec les européens sur leurs morts. Dans leur for intérieur, ils en sont contents car c’est par la terreur qu’ils gouvernent et par la terreur ils se nourrissent. Ils pleurnichent et réclament leur dû sous forme de plus de connivence dans l’injustice qu’ils font affliger à leurs peuples et l’élimination de leurs citoyens libres avec des armes, un soutien sécuritaire et une couverture occidentaux.

Il est grand temps que les occidentaux réfléchissent sérieusement à l’unité de cet univers méditerranéen. Le sort de l’Europe et son destin sont désormais, et plus que jamais, liés à ceux des peuples arabes établis sur les rives sud et est de la méditerranée, de même qu’à ceux du peuple turque sur la rive nord-est. Les élites européennes comprendraient-elles, avant qu’il ne soit trop tard, que le printemps arabe est un phénomène méditerranéen par excellence ? Ou continueraient-elles à faire montre d’un égoïsme politique et de la mentalité colonialiste jusqu’à ce que d'autres capitales européennes de lumières deviennent des capitales de larmes et de cierges ?




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